Passage de « rénovation urbaine » au « renouvellement urbain » ?

URBANISME & ARCHITECTURE
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23/7/2018
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Agence BSA

Vous avez dit ANRU ? 

Une opération de rénovation urbaine a pour objectif de transformer les quartiers d’habitat social qui font face à de nombreuses problématiques  : enclavement, éloignement avec le reste de la ville, difficultés économiques et sociales, espaces extérieurs dégradés, déficit de services publics, etc. Face à ces difficultés et devant la stigmatisation grandissante de ces quartiers d’habitat, l’Etat et ses divers partenaires locaux tentent d’unir leurs forces pour donner aux habitants une place à part entière dans la ville et dans la société. La loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine du 1er août 2003 (dite « loi Borloo ») enclenche les projets de rénovation urbaine et la création d’un nouvel outil : l’ Agence Nationale de Rénovation Urbaine (ANRU). 

Agence Nationale de Rénovation Urbaine

L’ ANRU a pour objectif de définir un cadre commun des différents projets pouvant bénéficier d’une enveloppe exceptionnelle sur une durée de 5 ans. Elle engage les différentes parties prenantes dans une démarche partenariale grâce un pilotage transversal.

Le premier programme de l'ANRU compte environ 400 projets couvrant près de 500 quartiers sur l’ensemble du territoire français. L’effet levier de la mesure financière est incontestable et les responsables de l’ANRU se félicitent de l’engouement qu’ils sont parvenus à susciter par l’engagement des partenaires locaux. En effet, l’ensemble de ces projets représente environ 45 milliards d’euros dont un peu plus d’un quart proviennent des subventions ANRU (12 milliards d’euros)

ANRU : Acte II ? 

Pourtant, dix ans après le lancement de ces programmes, les projets ANRU soulèvent également de nombreuses critiques que l’ANRU 2 tente de prendre en compte. En ce qui concerne la gestion de projet, les critiques portent sur les contraintes de délais imposés qui ne correspondent pas toujours à la réalité du terrain. On y déplore aussi une certaine opacité dans la sélection des projets ainsi qu’un manque de communication avec les partenaires locaux. Côtés projets, on estime que l’on a donné une place trop importante aux démolitions relativement violentes dans le vécu des habitants. On juge par ailleurs les concertations avec les populations trop faibles vis à vis de l’importance de la modification de leur cadre de vie. En terme de résultats, si la mixité sociale est bien l’un des objectifs centraux assigné au premier programme de rénovation urbaine, ce bilan semble à bien des égards mitigés.

La mixité sociale face à de nombreux freins de représentation

La mixité sociale se heurte à de nombreux freins d’attractivité dans les périmètres de rénovation urbaines. Les représentations négatives et les difficultés importantes que ces quartiers concentrent semblent se heurter à l’installation d’une population nouvelle plus aisée. De plus, la mobilité résidentielle des habitants présents est freinée par l’offre commerciale présente sur site. En effet, ces périmètres concentrent en eux la très grande majorité de l’offre de logements sociaux d’entrée de gamme rendant « captifs » les populations les plus pauvres (logements grands et peu chers).

De plus, le principal défi de l’ANRU réside dans la création de conditions favorables générant une dynamique de requalification qui vive pour et par elle-même et ce, après le programme. En ce sens, elle doit jouer aussi bien sur la dignité de l’habitat que sur la capacité de ces territoires à réassurer « l’effectivité de la promesse républicaine » c’est à dire garantir l’égalité des chances entre les citoyens français quant à l’accès à l’emploi, à la santé, à l’éducation etc. Il s’agit donc plus largement dans l’ANRU 2 de prendre davantage conscience que toute rénovation urbaine ne peut réussir que si elle est comprise, acceptée et relayée par les habitants et au sein du tissu urbain dans lequel il s’insère.

Changement de focale

Plus largement, la Loi Lamy de février 2014 qui fixe les objectifs et les moyens de l’ANRU 2, recentre la politique de la ville sur la réduction des écarts de revenus entre les habitants des quartiers prioritaires et les autres.  En ce sens, la définition des quartiers prioritaires se base désormais sur un critère unique : la concentration de la pauvreté. Pour mesurer l’évolution des inégalités et des écarts de développement au sein des unités urbaines définies, un observatoire national de la politique de la ville est crée. Côté méthodologie, la loi inscrit le principe d’une co-construction de la politique de la ville avec les habitants à toutes les étapes du projet mais également un contrat de ville unique à l’échelle intercommunale (et non plus communal) permettant un pilotage transversal et souscrivant la mobilisation de l’ensemble des politiques publiques d’éducation, d’emploi, de justice, de sécurité, de transport, de santé. En ce qui concerne la rénovation du cadre de vie, la qualité environnementale des réalisations conditionne une partie des subventions et le développement de l’habitat privé et de l’activité économique aussi.

C’est ce cadrage plus large qui engendre le glissement du terme « rénovation urbaine » à « renouvellement urbain » privilégiant une approche globale du quartier, et non pas une intervention principalement axée sur le bâti. On sort alors de cette logique de « réparation » pour aller vers l’inscription du territoire concerné dans des dynamiques de développement plus larges.

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